Il était une fois ... 8

Le miracle des abattoirs !

Le chevesne, vampire des eaux douces ...

Je vous parle d'une époque ou les abattoirs à bestiaux n'étaient pas encore sujets à polémiques, certes, justifiées, car les règles et les conditions dans lesquelles les animaux étaient abattus n'étaient certainement pas aux normes actuelles.

L'abattoir d’Épernay était donc un de ceux-là, mon grand-père qui était boucher y avait travaillé et il m'avait même emmené une fois avec lui, ce qui m'avait un peu traumatisé, je vous l'avoue ...

Le fonctionnement de cet abattoir avait pour conséquence directe de rejeter directement vers les cours d'eau le sang des animaux abattus vers le Cubry, petit ruisseau qui traverse Epernay, pour se jeter dans la marne.
La pollution n'était sûrement pas le souci prioritaire de l'époque, malheureusement, mais le sang qui coulait lors du fonctionnement de cet abattoir attirait nombre de poissons, dont le chevesne, appelé "chub" aujourd'hui à la mode anglophone.

À l'époque, il n'était pas trop difficile de se procurer un seau de sang frais aux abattoirs contre un litre de vin rouge, ce sang servant à l'amorçage principalement, mais pouvait également être utilisé comme esche en imbibant des compresses que l'on faisait sécher pour ensuite les découper en petits dés pour pêcher.

Pour ma part, je préférais utiliser des morceaux de moelle épinière de bœuf qui sélectionnait les plus beaux poissons.

Il faut toutefois préciser que cette pêche était pratiquée l'hiver, le sang frais restait à manipuler avec précaution, mettre des gants en caoutchouc était vivement conseillé afin d'éviter toute infection microbienne.

L'action de pêche, au-delà du coté "glauque" était assez facile, il fallait amorcer en amont du poste avec un fond assez régulier, puis on faisait descendre une ligne avec peu de fond dans le courant, le chevesne gobant l'appât, le flotteur coulait un peu comme une touche de fond, mais comme on était au-dessus, c'était l'indication qu'un poisson qui était en général de bonne taille était au bout de la ligne.

On pêchait sans moulinet à l'époque et c'était très sport, après quelques prises, il fallait se déplacer en aval pour retrouver des touches.
Le chevesne étant un poisson peu consommé du fait de la présence d'arête importante et de son goût fade, les poissons étaient récupérés par certains consommateurs peu fortunés, ou remis à l'eau, mais il faut avouer qu'à l'époque, le "nokill" n'était encore qu'à ses balbutiements ....

Pratiquée à deux pêcheurs, à l'époque avec mon ami "Limouz", cette pêche m'a laissé des souvenirs sympathiques de pêches hivernales ...

Une technique simple et peu coûteuse, comme l'était la plupart du temps la pêche avant qu'elle ne devienne un objet commercial, comme tant d'autres !

Jusqu’au milieu du XIX e siècle, il est d’usage d’abattre les animaux directement dans les rues. Un arrêté de 1811 indique que les abattages ont lieu sur la place Notre-Dame (actuelle place Hugues-Plomb). D’autres places seront ensuite désignées.

En 1846, la Ville décide de construire un abattoir municipal pour centraliser les opérations et en améliorer l’hygiène. Cependant, l'emplacement n'est choisi qu'en 1854, car les différents terrains proposés posent des problèmes d'insalubrité. En 1856, un crédit de 90 000 francs est obtenu pour la construction de l'abattoir. Le 25 mars 1857, un décret impérial autorise son établissement.
Toutefois, plusieurs années s’écoulent sans que la construction ne démarre. Mais les besoins de la population en viande augmentent et les mesures d’hygiène et de sécurité des abattoirs évoluent. Le projet est alors repris afin de l’adapter aux nouveaux besoins et aux nouvelles normes.
Ce n'est qu'en 1858 que l’abattoir est mis en service. Il est situé au lieu dit "la vieille poste". Cet emplacement est idéal car l’abattoir est relié aux chemins de fer, ce qui facilite le transport de bétails, et ses eaux sales sont évacuées directement dans le Cubry.
Une voie publique, intitulée la rue de l’abattoir (actuelle rue Henry-Dunant), est créée devant le bâtiment.

Un bâtiment très vite exigu
Trois ans après sa mise en service, l’abattoir est déjà trop exigu. La population augmente et ses besoins en viande, également. Il faut alors agrandir le bâtiment.
Un terrain est proposé, mais l’emplacement projeté ne convient pas, car il n’est pas assez sécurisé. Dans le dernier quart du XIX e siècle, des aménagements sont finalement entrepris sur l'emplacement actuel, rue de l'abattoir (voir extrait du plan général de la ville de 1880 ci-joint).
En 1904, une plainte collective est déposée par les habitants d’Épernay. En cause : les odeurs émanant des opérations d’abattage. La Ville décide donc de déplacer certaines salles loin des habitations, réduisant les mauvaises odeurs et autres nuisances.
A la fin de la Première Guerre mondiale, l'abattoir doit à nouveau être agrandi. Un terrain est donc acheté. Les dépenses sont évaluées à 50 000 francs.

D’un réaménagement total vers une fermeture définitive
Les abattoirs municipaux commencent à s'industrialiser. En 1925, de nouvelles dépenses sont prévues pour remettre en état celui d’Épernay. L'emplacement respecte les règles d'hygiène et de propreté, grâce à sa proximité avec le Cubry. Mais les bâtiments ont à nouveau besoin d'être rénovés.
En 1963, un projet de reconstruction total est envisagé, avant d'être abandonné. A la place, il est décidé de favoriser le réaménagement de l'abattoir déjà existant. Ce sont 170 000 francs qui sont alloués pour ce projet.
En 1967, un nouveau plan est créé par le gouvernement : le plan départemental d'équipement. Il vise à rendre les abattoirs moins polluants pour l'environnement. L'abattoir d’Épernay n'étant pas inscrit sur la liste des abattoirs inclus dans ce projet, il est donc voué à disparaître. Cependant, la Ville demande un sursis jusqu'au 16 juin 1978. Il est accordé. Une demande pour le moderniser est également déposée, mais celle-ci est refusée.
Au début des années 1980, la suppression de nombreux abattoirs dans le département de la Marne entraîne des problèmes pour les bouchers et charcutiers. Alors que l'abattoir d’Épernay est toujours en service, une discussion est ouverte pour en créer un nouveau à Oiry. En effet, le lieu se trouve à égale distance de toutes les grandes villes du département. Ce projet n'est pas retenu.
Pour convaincre le Préfet de ne pas fermer le bâtiment actuel, Épernay, soutenue par les bouchers de la ville, s'engage à construire un bâtiment. Cependant, le Préfet maintient la fermeture au 1 er janvier 1984. Épernay tente une dernière fois de sauver l'abattoir en envisageant la création d'une société coopérative d'abattage, avec d'autres villes. Le projet n’aboutit pas.

En 1985, l'abattoir ferme ses portes. Le bâtiment est détruit en 1988.





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