Il était une fois ... 1

Le brochet qui aimait "l'eau chaude" !

Il était une fois un petit garçon qui était à la pêche avec son père sur les bords de la marne et plus particulièrement sur un barrage ou nous avions l'habitude d'aller régulièrement à cette époque lointaine.

Ce petit garçon, vous l'aurez deviné, c'était moi et à cette époque, la pêche aux leurres se limitait fortement à la pratique de la cuillère car c'était juste avant l'arrivée des premiers leurres souples, les fameuses virgules, aujourd'hui, tout est en anglais, on les appelle des "grubs" ...

Mon père adorait la pêche sportive à la cuillère, il utilisait beaucoup les "Mepps aglia" de teinte argent et dorée, très souvent des n°5 qui étaient, à ce moment dans le top des plus gros leurres utilisés en rivière, ce qui, bien sûr en ferait sourire plus d'un aujourd'hui ...

Moi, avec l’insouciance de la jeunesse, je préférais les n°4 "argent ", car avec cette taille, la fourchette des tailles de poissons capturées me semblait plus large. J'ajoute que je n'avais pas trop la valeur des choses en tête, c'était "papa" qui remplissait ma trousse de cuillères et lorsque je le pouvais, j'avoue que je lui en chipais quelques-unes pour compléter mes collections ...

On ne connaissait pas encore la tresse, nos bobines de moulinet étaient garnies avec du nylon, nous ne dépassions pas le 30/100ème qui à l'époque avait une résistance d'environ 6kg, ce qui fait sourire aujourd'hui, on pêche avec des tresses de 12, 15kg voir beaucoup plus ...

Nous accostions par l'aval et péchions ensuite à partir de ce vieux barrage

Ce jour-là, nous étions en barque, un vieux bateau en bois qui prenait l'eau que nous devions écoper régulièrement pour l'utiliser. Après avoir accosté sur la zone aval du barrage, nous pêchons tous les secteurs propices à la présence de carnassiers.

Je ne sais plus vraiment à quelle période de l'année nous étions, mais je me souviens qu'il ne faisait pas très chaud, peut-être l'automne ou le début de l'hiver.

Ce point est important, car après avoir accosté en aval du barrage, sur la partie amont, une chute d'eau très chaude en provenance de la cartonnerie coulait régulièrement le long d'un mur en hauteur, le bruit de cette coulée, mais aussi la chaleur qui, lorsqu'elle arrivait dans la rivière provoquait une fumée à la rencontre de ces deux températures très différentes, c'était assez étonnant !

L'eau chaude coulait du mur et venait se mélanger avec la rivière dans la fumée ...

Très occupé à pêcher, je n'avais en premier lieu pas remarqué que mon père se focalisait sur cette chute d'eau en lançant sa grosse cuillère "Mepps aglia 5" juste en dessous en la ramenant le plus lentement possible ....

Au moment ou j'ai prêté attention à son obstination, je n'ai donc pas pu m'empêcher d'éclater de rire en me moquant de lui et en ajoutant que les brochets fréquentaient certainement ce sauna improvisé ...

Mon père est resté insensible à mes moqueries et a continué sa recherche méticuleuse du secteur ...

J'aurais dû me douter que quelque chose allait se passer, son obstination paraissait trop louche ....

Et ce qui devait arriver arriva, une touche brutale, puis son petit lancé de marque "fario" pour les connaisseurs formait un arc impressionnant indiquant qu'un beau poisson était au bout de sa ligne ...

Vous vous imaginez bien que mon père, après la capture d'un beau brochet qui me semblait énorme, dont je ne me rappelle plus la taille ne s'est pas fait prier pour me "chambrer" durant toute la fin de cette session ...

J'ai donc appris ce jour-là que les brochets aimaient certainement l'eau chaude et les poissons blancs probablement également, ce carnassier était peut-être embusqué dans cette zone en attendant un imprudent qui voulait profiter gratuitement de ce sauna improvisé.

Cette anecdote restera à jamais gravée dans ma mémoire et comme le disait Jean Gabin ... 
Je sais, je sais, je sais ... 
Je sais qu'on ne sait jamais !