Il était une fois ...16

La truite d'Aulnay sur Marne !


Cette histoire reste gravée dans ma mémoire, c'est aussi une des dernières sorties de pêche que j'ai pu faire avec mon père et c'est également un très bon souvenir d'une prise exceptionnelle que l'on n'attendait pas ...

À cette époque, il existait un petit jeu entre nous lors de nos sessions de pêche, j'étais jeune et une certaine compétition sympathique s'était installée, comme celle d'un élève avec son maître, car il faut bien le reconnaître, mon père a su me transmettre beaucoup dans ce loisir commun qui nous rapprochait tant.

C'est donc, avec une complicité assumée que nous nous retrouvons ce matin-là, de bonne heure, au lever du jour sur ce petit village d'Aulnay sur Marne, ou la rivière est en seconde catégorie, il faut le préciser pour mieux comprendre la suite.

Mon père gare la voiture juste avant le pont, devant l'église et nous nous équipons pour cette session, le matériel est simple, une canne à lancer type "Spinning" chacun, sachant qu'à l'époque, on n'utilisait pas ces appellations anglophones pour définir nos cannes à pêche comme c'est devenu la mode aujourd'hui.

Une trousse de cuillères, musette pour moi et sacoches avec ceinture "type militaire" pour mon père, sans oublier un chiffon propre pour "emballer" le poisson si prise, il y a, bien sûr, car on ne parlait pas de "no-kill" non plus, cette pratique en était à ses balbutiements et était plutôt réservée au monde de la pêche à la mouche.

Nous convenons de la tactique à appliquer au départ, mon père remonte le courant vers l'amont sur le côté droit et moi, je descends vers l'aval le long de l'autre berge, on se donne rendez-vous au pont pour le bilan de cette sortie et nous voilà parti chacun de son côté ...

Mon père a l'habitude de pêcher avec des grosses cuillères "Mepps aglia n°5", moi, je suis plutôt sur des numéros 4 un peu plus petite donc, ce qui me permet de passer dans les zones de courant de faible profondeur plus facilement, en touchant de nombreuses espèces comme les perches, les chevesnes ...

Il faut bien l'avouer, en général, lors de nos compétitions, c'est très souvent mon père qui gagnait, d'autant que les petits poissons, comme les gros, savent aussi sauter sur les gros leurres, mais cela, je ne l'ai compris que bien plus tard ...

Mais ce jour-là, les dieux de la pêche sont avec moi, certes, pas dans les premières heures où je n'enregistre aucune touche, mais au moment où je commence à désespérer, en revenant sur mes pas vers le lieu de notre rendez-vous un peu en avance, je décide alors de pêcher méticuleusement les abords, puis le dessous du pont.

Il y a un courant très fort et chaque fois que ma cuillère touche l'eau, je dois être très rapide pour prendre contact avec le moulinet avant que cette dernière ne s'accroche sur le fond caillouteux.

Soudain, en pleine zone de courant, ma cuillère tombe juste au-dessus d'une souche calée par les pierres, je ferme le moulinet pour constater que je suis déjà aux prises avec un beau poisson puissant qui prend le courant juste après une pirouette hors de l'eau !

Le poisson dévale le courant, je dois le contrer sans forcer en évitant les pierres et autres branchages, pour finalement le voir arriver à ma main, sachant qu'à l'époque, pas d'épuisette, mon père ne le supportait pas, et le "il" devient "elle", car c’est une superbe truite fario, avec une belle robe jaune, des magnifiques points rouges, je suis aux anges !

Il faut dire que des truites sur cette partie aval de la marne, on n'en prenait pas beaucoup et cette belle de cinquante centimètres en plus !

J'emballe délicatement ma truite dans mon torchon blanc, puis, avec une certaine hâte, je guette le retour de mon père pour savourer ma probable victoire ...

Lorsqu'il arrive, il a le sourire et je dois dire que je dois faire un effort pour qu'il ne devine pas ma joie intérieure, je lui demande alors si la pêche a été bonne !

Il me répond que cela a été difficile en sortant un poisson de taille moyenne de sa poche, c'est un brochet et lorsqu'il croise mon regard, c'est avec un grand sourire qu'il me demande " et toi ?" ...

Je dois dire que c'est avec une grande fierté que je sors théâtralement et délicatement mon poisson pour l'étaler sur l'herbe, je le déballe lentement en ajoutant ; je pense qu'avec ce joker, j'ai gagné aujourd'hui, papa !

Mon père me félicita et versa même une larme, mais c'était l'émotion, cette truite, je ne l'ai jamais oubliée et inutile de vous préciser que les détails de cette capture furent au centre de notre conversation lors du retour en voiture ...




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